LA PRODUCTION...
Groupe A2X/AERISPROD
A2X, l'histoire par Nathalie Granier
Il faut se transporter au début des années 90, là où l’histoire commence. Je veux dire notre histoire. La sienne a déjà commencé depuis quelques années. Sorti de Musicologie, il a déjà filé sa dem et dégagé de son premier poste au conservatoire du 8ème à Saint Honoré, et préféré dispenser lui-même la formation selon sa méthode à ses élèves les plus motivés dans sa petite maison de l’allée du Butard, à Vaucresson. Mais on oublie, sur ce site où Isabelle met en premier plan sa formation classique, que c’est en 88 qu’il fonde parallèlement son quartet de jazz fusion, Estran.
Soutenu par une section rythmique de tout premier ordre, il y met en évidence les nouvelles sonorités analogiques et numériques en utilisant les fleurons de sa collection impressionnante de claviers autour d’un Rhodes ou d’un Yamaha acoustique. Et ils jouent ! Serré ! Grand fan de polyrythmies, syncopes et autres mesures hybrides, il mélange en permanence binaire et ternaire et écrit lui-même les partitions pour le bassiste et le batteur…C’est aussi un excellent batteur, et il n’hésite pas à sauter de ses claviers aux fûts, pour montrer ce qu’il entend. Ceci non plus ne date pas d’hier : Il nous avait fait écouter des bandes ¼ de pouce datant de 1977 , sa première formation, quintet appelé Sunset, qui a connu son heure de gloire dans quelques concerts Versaillais et Parisiens, dans laquelle il composait à 18 ans des plans que nous pourrions étiqueter « progressive ». Ils se partageaient les affiches avec leurs copains de LSD, entendez la Souris Déglinguée, qui eux ont persévéré dans un tout autre genre pendant près de quarante ans, alors que Sunset dardait son ultime mais sublime rayon vert à un concert public parisien en 78 ! Il y passait d’une énorme double Pearl aux Moog, tout en continuant parallèlement son cursus classique. Juste avant de partir à l’armée, en Allemagne avec son batteur, ce qui marqua la fin de l’aventure ! Pour revenir à son dernier quartet jazz/rock en 88, dommage qu’un seul master n’ait été mixé à cette époque, suivi d’un album unique. Mais ils préféraient la rue des Lombards aux takes devant les consoles. Pas le temps. J’ai souvent proposé de se refaire un petit son tous ensemble à mes frais, ils n’ont jamais voulu !
Et c’est au Baiser Salé que Claude et Richard les écoutent un soir de novembre 89. Eux sont déjà bien installés dans la production, spécialité image et publicité. Richard sera plus connu du grand public par ses délires dans le paysage coloré de la variété…Et ils proposent à Thierry de leur composer des jingles et des bouts d’essais sur image, avec ses sons. On entend bientôt les premiers accords de Thierry résonner sur les chaines publiques, de 90 à 94. Heureux temps des royalties ! Lui arrête en 94. Son idée, c’est d’avoir sa propre prod, et d’enregistrer qui il veut, avec un son de qualité. Et c’est notre première rencontre rue du Temple, dans le 4ème…
Moi, je viens tout droit de la Croix Rousse, où j’avais fait déjà mes petites preuves comme ingéson chez Aeris, après une scolarité bien pourrie. Le désespoir de mes parents ! Ils me disaient que je m’engageais dans un cursus de crève-la-faim, et tout ça. On connait la musique, hein ? Mon pote Franck que j’ai connu à l’IRCAM me fait monter à Paname en 87. Je m’installe avec lui. Et c’est Claude qui nous annonce que Thierry cherche des associés pour monter une boite à son. Orientation jazz, fusion, acoustique et son pur. C’est tout à fait notre kiff ! Thierry a déjà pu engranger pas mal de moyens, nous un petit peu seulement. Qu’à cela ne tienne. On prend le fond de grands locaux en sous-sol rue du Temple et on y installe la première SSL de la série ! Suivent un Shimmel K213G et un Yamaha Grand. Deux cabines percu, et la flopée de goodies analogiques de Thierry. On embauche Léo et Okka aux consoles. Et c’est parti… Thierry choisit A2X pour le nom de notre signature.
Le jazz et la fusion se vendent encore un peu dans ce début 90, et on a pu entrer dans nos frais et réaliser des bénéfices jusqu’en 2004. On avait même pu embaucher une équipe de 12 techniciens à partir de 96. Si nous avons eu la joie de pouvoir sortir de nombreux enregistrements de qualité et de faire connaître des musiciens bien doués, il a été vite évident que nous commencions à perdre de l’argent au début 2000. Thierry a vite réagi en diversifiant nos activités, et est revenu à l’image, par laquelle il avait accédé à la prod. Je me suis personnellement avec Okka attaché à ZDF en Allemagne, qui nous a confié la majeure partie de notre travail, à partir de 2004. Et notre prod a pu continuer…
Les musiciens de notre équipe se sont évidemment vite ennuyés. Thierry le premier. Il revend ses parts en 2011, et repart vers le classique. Puis Franck, qui se lance dans la gestion de patrimoine et lance ORINVEST, entreprise florissante aujourd’hui, ayant judicieusement anticipé la crise qui arrive. Enfin Léo, qui se retire avec une de nos SSL dans le manoir de famille en Normandie, et continue à mixer pour son compte. Nous avons repris le label en 2013 avec Okka. A2X est devenu AERISPROD. Nous ne faisons plus que de l’image. Ce ne sont plus les belles aventures des années 90, ni les mêmes rentrées d’argent, mais on en vit bien et surtout, l’histoire continue, et c’est bien là l’essentiel ! Nous avons déménagé dans un local plus petit, mais bien plus douillet, rue de Douai. Aujourd’hui, notre staff est réduit à 4. Jenny et Nathalie sont avec nous deux les seules rescapées du voyage !
Et pour finir sur un clin d’œil, c’est Isabelle et Serge qui ont déménagé leur école depuis Vaucresson dans nos anciens locaux de la rue du Temple depuis septembre 2024 !
Je vous aime tous !
Nathalie Granier
15 octobre 2024